Léon Bloy - Le salut par les juifs


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Léon Bloy - Le salut par les juifs


La grande affaire de Bloy est d'être le contempteur d'un monde, d'un siècle, d'une humanité même, dont il se sent et se veut le banni - "je souffre une violence infinie et les colères qui sortent de moi ne sont que des échos, singulièrement affaiblis, d'une Imprécation supérieure que j'ai l'étonnante disgrâce de répercuter", met-il dans la bouche de Caïn Marchenoir.
L'horreur que lui inspire la déchéance du Christ dans l'Eglise, dont il exhausse un anticléricalisme ravageur, la honte où il tient tout ce qui peut s'apparenter à la moindre compromission avec la société de son temps, l'effroyable mélancolie où le plonge cette intuition que les humains ne trouveront jamais leur bon plaisir que dans le reniement d'un Idéal et dans la consommation de la jouissance, sans l'once d'un souci de justice sociale et spirituelle ("je suis en communion d'impatience avec tous les révoltés, tous les déçus, tous les inexaucés, tous les damnés de ce monde"), font de lui un de ces êtres inapaisables, taraudés par la douleur de vivre et la souffrance d'être.
Son génie aura peut-être été de donner à cet apocalyptisme une forme de sublimité, une expression qui doit autant à son mysticisme qu'au réalisme le plus cru.



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Le Salut par les Juifs, publié en 1892, a été enterré douze ans. L’éditeur, un excellent & digne homme formé du limon de la terre tout exprès pour la production typographique de ce seul ouvrage, ayant tout à coup changé de métier, emporta comme une proie, dans sa nouvelle demeure, la multitude appréciable des exemplaires invendus. Nous n’avions pas de contrat et cette masse d’imprimés lui appartenant, je dus me résigner, deux lustres & demi, à la séquestration arbitraire du plus considérable de mes livres. J’ai raconté cette aventure douloureuse & ce préjudice énorme à la page 214 de « Mon Journal ».
L’édition nouvelle que voici est corrigée en divers endroits, sans modifications essentielles. On est prié, toutefois, de considérer que les moindres changements ont une importance extrême dans un plaidoyer purement exégétique dont la portée pourrait être supposée incalculable si l’humanité contemporaine était curieuse encore des Affirmations ou Similitudes révélées.
À part l’inspiration surnaturelle, on peut dire que le Salut par les Juifs est, sans aucun doute, le témoignage chrétien le plus énergique & le plus pressant en faveur de la Race Aînée, depuis l’onzième chapitre de saint Paul aux Romains.
« Si leur faute, dit cet apôtre, est la richesse du monde & leur diminution la richesse des nations, que sera-ce de leur plénitude ?
« Si leur perte est la réconciliation du monde, quelle sera leur assomption, sinon la vie d’entre les morts ? »
Le Salut par les Juifs, qu’on croirait une paraphrase de ce chapitre de saint Paul, fait observer, dès la première ligne, que le Sang qui fut versé sur la Croix pour la Rédemption du genre humain, de même que celui qui est versé invisiblement, chaque jour, dans le Calice du Sacrement de l’Autel, est naturellement & surnaturellement du sang juif, — l’immense fleuve du Sang Hébreu dont la source est en Abraham & l’embouchure aux Cinq Plaies du Christ.
Et c’est tout. Il n’y a plus rien à savoir. Le monde juif apercevra-t-il enfin ce livre qui l’honore au delà de toute espérance & qui ne lui a rien coûté ?

19 Novembre 1905.
Octave de la Dédicace des Églises.

Léon BLOY


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Salus ex judæis est. Le Salut vient des Juifs !
J’ai perdu quelques heures précieuses de ma vie à lire, comme tant d’autres infortunés, les élucubrations anti-juives de M. Drumont, et je ne me souviens pas qu’il ait cité cette parole simple et formidable de Notre Seigneur Jésus-Christ, rapportée par saint Jean au chapitre quatrième de son Évangile.
Si ce journaliste copieux daigna jamais s’enquérir des Textes sacrés et s’il est en mesure de démontrer, pour ma confusion, que ce précepte considérable est mentionné dans tel ou tel des volumineux pamphlets dont il assomme régulièrement les peuples chrétiens, — il faut dire alors que cet hommage au Livre saint est si merveilleusement aphone, pénombral, rapide et discret qu’il est presque impossible de l’apercevoir et tout à fait impossible d’en être frappé.
C’est quelque chose pourtant, ce témoignage du Fils de Dieu !
Je sais bien que saint Augustin en a terriblement affaibli la portée dans sa pauvre exégèse des « deux murailles », qu’il est loisible de consulter au quinzième traité du commentaire fameux de ce vénérable Docteur.
Mais on était alors au Ve siècle ; la Réprobation d’Israël avait commencé depuis l’exorbitante catastrophe de Jérusalem ; l’espèce humaine, à moitié conquise déjà par les successeurs de Pierre, avait irrémédiablement froncé son coeur et s’était endurcie pour toute la durée des temps contre la descendance exécrée des bourreaux du Christ.

L’effrayante brûlure des premières Persécutions se cicatrisait enfin et les grandes semailles du sang des Martyrs étaient accomplies.

La pédagogie du Surnaturel tombait aux théologiens, aux explicateurs, aux philosophes désabusés, et la gênante assertion de Celui qui fut appelé le Fils du Tonnerre pouvait être écartée respectueusement, sans aucun danger de scandale ou de simple étonnement pour une Église toute rouge qui vagissait encore dans son berceau. Cette parole demeure cependant. Elle subsiste, malgré tout, en sa force mystérieuse, et ressemble à quelque gemme très-sombre, d’un troublant éclat, rendue plus inestimable par l’inattention téméraire des économes ou des contrôleurs de la Foi.


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